mardi 30 mai 2017

Une expérience de Ramadan - Première Partie

Il y a quelques jours à peine a débuté le Ramadan, un mois de jeûne et de spiritualité au sein de la communauté musulmane installée de par le monde, événement que beaucoup de croyants attendaient avec impatience.

Je suis d’ordinaire réticente à suivre une pratique religieuse lorsqu'elle se décline sous forme de rituels et d’injonctions qu’il convient d’observer sous peine de ne plus « plaire à Dieu » (ou de voir se fermer les portes du Paradis). Mais depuis longtemps, j’entends mes amies musulmanes dire que faire Ramadan est une très belle expérience spirituelle, qui permet de transcender ses préoccupations quotidiennes (manger, boire, faire de l’argent etc.) pour s’octroyer des moments de rencontre avec Dieu et avec autrui. Depuis longtemps, je caresse le désir de les accompagner sur ce chemin et cette année, j’ai décidé de passer aux actes, non sans m’être au préalable approprié la démarche.

Si jusqu’à aujourd’hui, j’ai chaque année fini par renoncer au jeûne, c’est parce que j’étais habitée par la crainte de ne pas réussir à surmonter certains obstacles, principalement liés à la durée de la nuit en période estivale et à la perturbation du cycle de sommeil associée. En effet, si l’on tient à effectuer les cinq prières quotidiennes1 (et cela n’est pas valable uniquement pendant le mois de Ramadan) il faut en été se lever autour de 4h30 pour Subh (la prière de l’aube) et se coucher après 23h30, après la prière d’Isha (la prière de la nuit). Et ce, indépendamment de la charge de travail ou des obligations de la journée ; j’ai d’ailleurs une admiration profonde pour les ouvriers des travaux publics que j’ai croisés au Moyen-Orient et qui tenaient à jeûner « dans les règles de l’art » en dépit de conditions climatiques extrêmes.

Il est évidemment possible de se recoucher après Subh ou de se relever pour Isha, mais il faut parvenir à se rendormir ensuite, ce qui est loin d’être gagné ; certains objecteront qu’il suffit d’être complètement épuisé pour dormir ; ce qui est peut-être vrai pour certaines personnes, mais pour d’autres, l’effet est inverse : plus elles sont fatiguées, plus les nerfs sont à vif et moins elles arrivent à dormir, jusqu’à ce qu’elles s’écroulent dans un état qui est plus qu’un simple épuisement. J’ai connu aussi des gens qui préféraient ne faire qu’un seul repas durant Ramadan, en général celui du soir après Maghrib (la prière de la fin de journée), pour profiter le matin d’un peu de sommeil en plus ; la difficulté associée est que le sommeil ne sera pas réparateur si l’estomac est trop chargé et qu’a contrario l’on commencera la journée le ventre vide.

Il me semble que l’objectif principal d’un mois de jeûne et de spiritualité est de laisser de côté ses passions pour avancer dans son cheminement vers Dieu, en d’autres termes faire montre d’un peu de sobriété et de se concentrer sur l’essentiel. Le but du jeûne n’est absolument pas de se détruire la santé ni d’errer entre son travail et son domicile comme un zombie incapable de retrouver sa route. Cela m’attriste de lire qu’en période de Ramadan, il y a une hausse des accidents de la route ou des rixes dans certains endroits parce que les gens sont « énervés » par le jeûne, la fatigue ou la chaleur. De même, qu’entendre des amies musulmanes me dire qu’elles avaient renoncé au jeûne car la déshydratation associée à la fatigue déclenchait chez elles de terribles migraines. Sommes-nous obligés de nous flageller pour goûter des moments privilégiés avec Dieu ? Prie-t-on vraiment mieux quand on crève de faim et de soif, que l’on a mal au crâne et que l’on se sent épuisé ? Je ne crois pas.

J’ai donc décidé, non pas de « faire Ramadan » dans son sens généralement admis, mais de consacrer un mois au jeûne et à la prière, à mon rythme, en tenant compte de mes capacités physiques et de la fragilité de mon sommeil. Jeûner la journée bien entendu, et nourrir mon  âme plutôt que mon corps, mais conserver un minimum d’heures de sommeil consécutif et m’assurer de ne pas me coucher l’estomac lourd. J’ai par conséquent décidé d’opter non pas pour les horaires de jeûne en vigueur en France (ce qui correspondrait à une période de jeûne de 18h) mais sur ceux en vigueur au Moyen-Orient (ce qui correspond à période de jeûne de 14h). Après tout, c’est là-bas que la révélation a été faite ! Cet arrangement me permet d’assurer les cinq prières quotidiennes et de consacrer plusieurs heures à la spiritualité.

Après avoir longtemps tergiversé sur le choix des textes à lire ou réciter pendant cette période dans la mesure où j’avais commencé à me plonger dans l’exégèse de la Bible et que j’avais envie de continuer (et puis tout simplement parce que je suis chrétienne !) Mais je me suis vite rendue compte que la Bible ne se prête pas du tout à la récitation ou à la lecture continue ; je me suis donc lancée dans la lecture intégrale du Coran, dont je n’avais jusque alors jamais lu que des extraits et encore, dans une traduction tellement littérale2 que la compréhension en était malaisée. Sur les conseils avisés de musulmans français, je me suis procuré une traduction plus abordable3 car tenant compte des spécificités de la langue française (et pas uniquement de celles de la langue arabe) et intégrant les exégèses des plus grands commentateurs. Ce n’est pas que je sois forcément fainéante - je possède à la maison plusieurs livres d’exégèse d’Ibn Kathîr ainsi que le Sahih Al Boukhari - mais lors d’une prise de contact avec un texte nouveau, je ne souhaite pas forcément l’attaquer de suite avec des commentaires poussés sur le sens de chacun de ses mots.

Je m’efforcerai de rédiger un article chaque semaine, ou tous les dix jours, pour dresser un état des lieux physique, psychologique et spirituel, de ce que je perçois d’ores et déjà comme une expérience intérieure enrichissante. J’ai commencé le jeûne le jeudi de l’Ascension (mue par une envie soudaine), aussi le premier article devrait-il paraître dans les prochains jours.


******************************************
1Les cinq prières quotidiennes (ou salât) constituent l’un des piliers de l’Islam, et sont les suivantes :
  • Subh (l’aurore), aussi appelée Fajr (l’aube)
  • Zuhur (la mi-journée)
  • Asr (l’après-midi)
  • Maghrib (le coucher du soleil)
  • Isha (la tombée de la nuit)
Les piliers de l’Islam sont au nombre de cinq, parmi lesquels : la chahada (la profession de foi musulmane), la salât, la zakât (l’aumône), le hadj (le pèlerinage à La Mecque) et le jeûne (sawm) durant le mois de Ramadan.
2Il s’agit de celle du Pr. Mohammed Hamidullah, qui a déclaré à son sujet : « Notre humble traduction n’est pas élégante, nous en sommes conscient nous-mêmes plus que quiconque, mais notre but principal a été d’être fidèle, du plus près possible, à la langue arabe et au style du Coran. »
3Il s’agit de la traduction réalisée par Mohammed Chiadmi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire