mercredi 18 novembre 2015

Une citation

Aujourd'hui, une citation de Béla Bartók, compositeur hongrois du début du XXe siècle :

"Je suis venu à Paris, cette ville divine sans dieu. On ne peut décrire cela, il faut voir combien de beauté, combien de belles choses il y a ici, au centre du monde."
(Musique de la Vie)

mercredi 11 novembre 2015

Ave Maria Salam Shalom & autres trouvailles

Vous savez tous combien la tolérance religieuse et l’œcuménisme me tiennent à cœur, en particulier quand il s'agit de rapprocher les trois religions dites "du Livre": l'Islam, le Christianisme et le Judaïsme. Je me définis volontiers comme chrétienne, mais je ne peux m'empêcher de songer que je suis un petit peu musulmane et un petit peu juive aussi. Les trois grandes religions monothéistes m'apparaissent comme trois facettes d'une seule et même réalité : la Torah nous présente un Dieu sévère et autoritaire, la Bible nous enseigne que Dieu est amour et dans le Coran j'ai trouvé un Dieu à la fois exigeant et miséricordieux. Le Coran fait également la part belle à la science et à la quête de savoir et de connaissance comme moyen de s'approcher de Dieu.
You all know how important religious tolerance and ecumenicism are for me, especially when it comes to bring together the three religions "of the Book": Islam, Christianisme and Judaism. I'm a Christian however I can't help thinking a small part of me is Muslim and another part is Jewish, as all three historical monotheist faiths appear to me as three faces of a single truth: in the Torah, God is presented as a strict and authoritarian entity; the Bible teaches us that God is love and forgiveness, and in the Quran I found a God both demanding and merciful. The Quran also gives prominence to science and knowledge as a way to get closer to God.

Un ami m'a fait découvrir une chanson rap/variété nommée Ave Maria Salam Shalom produite en 2014 à l'initiative d'une chanteuse russe, avec la participation de deux rappeurs, l'un musulman, l'autre juif. Plutôt que de broder autour du sujet, voici ci-dessous la description fournie par le trio en marge de la vidéo youtube.
Thanks to a friend I recently discovered a rap/pop song called "Ave Maria Salam Shalom", which was released in 2014 on the initiative of a Russian female singer, with the participation of two male rap stars: a Muslim and a Jew. I won't say much more on the subject, as the song description written by the trio on youtube is eloquent enough.

Yuliana, chanteuse Russe de passage à Paris en 2014 tombe par hasard sur cette chanson à la radio et décide, en rentrant chez elle à Krasnodar en Russie, de la produire. Sur internet elle fait la connaissance d'un rappeur de confession israëlite: Rodjo, et d'un rappeur de confession musulmane, VSteh et leur demande de s'associer à elle pour interpréter cette chanson et ainsi prouver que trois artistes de confessions différentes pouvaient parfaitement s'entendre dès lors qu'il s'agit de véhiculer un message de paix.
When travelling through Paris in 2014, the Russian female singer Yuliana fell on this song on the radio and back home in Krasnodar (Russia) she decided to produce it. On the web she met a Jewish rap singer, Rodjo, and a Muslim rap singer, VSteh, and convinced them to build a trio to perform this song and demonstrate that three artists from different faiths could get along well in order to share a message of Peace.

Pour l'anecdote, les artistes se sont enregistrés et filmés chacun dans leur pays, et ne se sont donc jamais rencontrés !
Ce clip était initialement destiné à présenter les trois artistes aux maisons de disques mais malheureusement, aucune d'entre elles n'a souhaité commercialiser cette chanson ! Dommage... Il a donc été décidé de la diffuser sur facebook et youtube telle quelle et ainsi la faire découvrir au plus grand nombre...

By the way, know that the three artists never met but filmed and recorded each in their respective countries. This video clip was initially intended to introduce each of them to record companies, however due to the political climate, none of them accepted to commercialize the song! So the trio decided to diffuse it via Facebook and Youtube and reach directly the heart of people...

Ave Maria Salam Shalom - Yuliana, VSteh & Rodjo - 2014

Si vous êtes intéressés, n'hésitez pas à consulter la page facebook de Avé Maria Salam Shalom [1] qui donne des nouvelles des trois musiciens associés et diffuse des informations insolites liées à l’œcuménisme, comme par exemple le lancement prévu l'an prochain en Belgique d'un timbre réunissant un prêtre, un imam et un rabbin. [2]
If you like this song, don't hesitate to visit The Facebook page of Ave Maria Salam Shalom [1] which provides updates on the trio and passes on out of the ordinary information related to ecumenism, for instance the release next year (2016) in Belgium of a stamp showing a priest, an imam and a rabbi all together.

J'ai également découvert un Avé Maria, musulman et chrétien cette fois-ci, donné au Liban lors d'un concert de Tania Kassis en 2012. Celle-ci aurait réalisé cet arrangement à l'occasion de l'établissement du 25 mars comme jour férié national musulman-chrétien.
I also discovered a Muslim and Christian Ave Maria, performed in 2012 at a Tania Kassis concert in Lebanon. Apparently she arranged the song to commemorate the establishment of March 25th as a muslim-christian national holiday.

Avé Maria Arabo-Chrétien - Tania Kassis -  2012

Mes Sources

vendredi 6 novembre 2015

Floraison insolite dans l'un des déserts les plus arides du monde

Hier matin, j'ai découvert en écoutant la radio un fait insolite qui pourtant ne date pas d'hier : l'apparition de millions de fleurs au cœur du désert d'Atacama. Il s'agit pourtant de l'un des déserts les plus arides et le plus sac au monde, avec certaines zones du Sahara (Sud de l'Egypte et Sud de la Libye). [1]

Le désert d'Atacama se trouve en Amérique du Sud, plus précisément au Chili, et s'étend sur 105 000 km². Coincé entre la fosse océanique d'Atacama et la Cordillère des Andes, il est situé dans le Nord du pays et comprend les régions d'Arina y Parinacota, de Tarapaca,  d'Antofagasta, ainsi que le Nord de la région d'Atacama. [1]

Source photo: [2]

L'altitude varie entre 0 et 4678 mètres, ce qui explique que ce désert connaisse un climat subtropical désertique chaud avec néanmoins de fortes différences de températures suivant les zones considérées et les périodes de l'année (de -25°C à +45°C).  Il pleut en moyenne 50 mm/an dans le désert d'Atacama (contre DDD) mais par endroits, les précipitations sont quasi inexistantes : ainsi, on a relevé seulement 0.8 mm de pluie à Arica, ce qui en fait l'un des endroits au monde recevant le moins de pluie. Toutefois, la ville d'Antofagasta, en bord de mer, connaît un climat très doux avec peu de variations des températures moyennes entre la saison chaude et la saison froide. [1]

Le désert d'Atacama est riche en minerais : or, argent, cuivre, fer, et certaines zones, comme le port d'Antofagasta, ont connu au XIXe siècle un essor grâce à l'exploitation de guano et de salpêtre, qui constituaient d'importantes sources de nitrates pour l'industrie chimique (engrais, poudre, explosifs). Le climat subtropical désertique chaud se caractérise également par une durée d'ensoleillement élevée et un ciel dégagé. Au milieu du désert, le ciel est si pur que de nombreux astronomes viennent y installer leurs télescopes ; on y trouve pas moins de 6 observatoires astronomiques nationaux ou internationaux. [1]

La faune et la flore d'Atacama sont relativement uniques dans la mesure où seules certaines espèces ont réussi à s'habituer à ces conditions climatiques extrêmes. Près de la côte, en raison de la présence des montagnes qui peuvent heurter l'un des rares nuages se présentant dans le ciel, une relative humidité a permis le développement de plantes annuelles et d'arbustes ligneux. Quant aux animaux, on trouve majoritairement des insectes, des arachnides, des scorpions et des lézards. Notons néanmoins la présence d'oiseaux près des côtes et d'un type de souris et de renard. [1]

L'événement qui a suscité l'admiration dans le monde entier est la floraison de millions de fleurs au sein même de ce désert, grâce au nouveau passage d'El Nino dans la région, qui a entraîné des précipitations plus abondantes que d'habitude et réduit les gelées. Grâce à ce courant, les rhizomes et bulbes qui sommeillaient sous le sable se sont développés pour couvrir de vastes étendues auparavant nues. Le spectacle est tout bonnement splendide ! Je vous donne ci-dessous quelques liens qui vous donneront un aperçu de ce que vous pourriez voir si vous vous rendiez sur place !

Mes Sources
[1]     https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sert_d%27Atacama
[2]     http://www.chile-excepcion.com/ (voyagiste)

jeudi 5 novembre 2015

Insolite - Un plaidoyer anti-tabac vieux de 120 ans !

Ce matin, mon attention a été attirée par un texte de Léon Tolstoï reproduit dans la Newsletter du magazine Books, dans lequel celui-ci plaide vivement contre l'usage du tabac qui, selon-lui endort l'intelligence et engourdit la conscience. Ce texte est extrait de l'ouvrage Plaisirs Cruels (aussi traduit sous le nom Plaisirs Vicieux), paru en 1895.

Suivant la propre expérience de Tolstoï, fumer du tabac amène à un état dans lequel on n'a plus ni craintes ni remords et où l'on peut commettre des actes irréparables sans être rattrapé par sa raison ou sa conscience. Ainsi, la cigarette serait bien souvent la complice de crimes abominables, tout comme elle accompagnerait généralement les femmes de "petite vertu" et les joueurs invétérés !

Je vous invite à découvrir ce texte assez édifiant, porteur des convictions fortes de son auteur mais aussi témoin de la mentalité d'une époque : http://www.books.fr/les-conseils-du-tabacologue-tolstoi/

Source
Newsletter Books du 2 Novembre 2015.

mardi 3 novembre 2015

La Glace et le Ciel

Aujourd'hui, mon cœur me porte vers un film-documentaire actuellement en salle, nommé La Glace et le Ciel, réalisé par Luc Jacquet avec la coopération du glaciologue Claude Lorius. [1] Ce dernier, aujourd'hui âgé de 83 ans, est un précurseur des recherches sur la composition chimique de la glace en rapport avec sa datation. Ancien directeur du laboratoire de Glaciologie et de Géophysique de l'Environnement de Grenoble, il a reçu le prix Blue Planet pour l'environnement en 2008 et a coécrit un ouvrage paru en 2011 sur le titre "Voyage dans l'Anthropocène". [1] Luc Jacquet est quant à lui connu pour le très beau film La Marche de l'Empereur, sorti en 2006 et récompensé par un oscar. Il a par la suite réalisé Le Renard et l'Enfant (2007) et Il était une forêt (2013). C'est également le fondateur de l'association Wild Touch, qui utilise le cinéma et l'événementiel pour soutenir des programmes de conservation de la nature. [1, 2]

La Glace et le Ciel raconte comment Claude Lorius en est venu à prouver la relation entre la concentration en gaz à effet de serre dans l'atmosphère terrestre et les variations du climat ; en d'autres termes à démontrer l'influence néfaste de l'Homme sur l'équilibre de sa planète. L'histoire commence avec son premier hivernage en Terre Adélie, pour laquelle il s'embarque en 1955, à l'âge de 23 ans, sans vraiment savoir ce qui l'attend là-bas. Malgré des conditions de vie on ne peut plus difficiles, c'est le coup de foudre et au cours de sa carrière, il reviendra souvent en Antarctique dans le cadre de missions polaires françaises et internationales. 

Ses premiers travaux ont permis de montrer la relation entre la température à laquelle la glace s'est formée et sa composition isotopique (qui renseigne également sur son âge) ; ainsi, à partir d'un échantillon de glace, il est possible de déterminer la température ambiante à l'époque où elle s'est formée. Or, la glace s'accumule sous forme de couches de neige qui se déposent successivement et gèlent ; la glace la plus ancienne se trouve donc à plus grande profondeur que la glace nouvelle, et un forage permet d'accéder à des échantillons de glace ancienne. L'épaisseur de la couche glaciaire en Antarctique atteignant par endroits les 2 km, les carottes récupérées et analysées ont permis de fournir l'évolution de la température ambiante moyenne sur une période allant de 150 000 à 800 000 ans. Mais cela ne s'arrête pas là. [3]

En 1965, Claude Lorius émet l'idée que chaque bulle d'air emprisonnée par la glace à une profondeur donnée constitue un témoignage de l'atmosphère que l'on pouvait respirer à l'époque correspondante ; autrement dit, que l'on peut déduire de la composition des bulles les évolutions passées du climat. Quelques années après, le verdict tombe : l'évolution de la température ambiante dans le temps suit la concentration en méthane et en dioxyde de carbone dans l'air. Et si ces variations de concentrations se sont produites naturellement - et excessivement lentement - dans les ères précédant l'arrivée de l'Homme, elles sont aujourd'hui très rapides et intimement liées à l'activité humaine. [3] La preuve est faite que l'Homme est en train de détraquer le climat.

Pour ses travaux, Claude Lorius a acquis une renommée internationale et reçu de multiples récompenses : le prix Humboldt en 1988, le prix Balzan en 2001, la médaille d'Or du CNRS en 2002, le prix Blue Planet en 2008 ; il a été promus Commandeur de la Légion d'Honneur en 2009 et Grand Officier de l'Ordre national du Mérite cette année. [3] Toutefois, au crépuscule de sa vie, il constate avec une certaine amertume que les conférences sur le climat se succèdent et que les efforts déployés sont insuffisants, et qu'il se trouve encore des personnalités pour mettre en doute le réchauffement climatique.

J'ai beaucoup apprécié ce film-documentaire : d'une part parce que les images sont magnifiques - nul besoin d'être allé dans des régions polaires pour les apprécier - d'autre part parce que le réalisateur a fait la part belle aux films amateurs tournés par les membres des expéditions et leurs anecdotes ; plutôt qu'un cours magistral, on est plongé dans le quotidien de ces hommes au métier peu commun et la leçon passe toute seule. Enfin, les faits historiques et scientifiques sont là, exposés avec rigueur et sobriété.

Sources

lundi 26 octobre 2015

Un taxi pour Tobrouk

Récemment a été rediffusé sur Arte un classique français sorti en 1961: Un taxi pour Tobrouk, avec à l'affiche, entre autres, Lino Ventura, Maurice Biraud et Charles Aznavour. Réalisé par Denys de la Patellière, ce film met en scène un terrible huit-clos dans le désert de Libye entre un officier allemand et quatre militaires français luttant pour la possession d'un véhicule, seul moyen de rejoindre El Alamein avant de mourir de soif ou d'épuisement. Le scénario s'inspire du roman éponyme de l'acteur et scénariste René Havard. Selon Pierre Bellemare, une histoire vraie en serait à l'origine : deux soldats danois et allemand se seraient perdus en 1943 lors d'une poursuite au Groenland et seraient rentrés chez eux, à demi morts, ensemble. [1]

L'histoire commence au Réveillon de Noël 1941 où l'on fait connaissance avec chacun des personnages : l'un des Français fête Noël au sein d'une famille anglaise qui l'a accueilli, un autre projette de s'évader de prison pour éviter la peine capitale, un autre encore quitte sa grand-mère pour rejoindre Londres, le dernier fuit la France en bateau pour échapper aux persécutions antisémites ; l'officier allemand quant à lui fête son troisième Noël de guerre dans son château en Poméranie et fait ses adieux à son épouse et à ses enfants. La suite de l'action se déroule en octobre 1942, dans le désert de Libye, près de Tobrouk. Lors d'un raid des Forces Françaises Libres sur une position allemande, les quatre Français se retrouvent livrés à eux-mêmes, leur supérieur ayant été tué dans l'attaque. Ils volent un véhicule et foncent à travers le désert, espérant rejoindre El Alamein. Le lendemain, un avion allemand les survole en reconnaissance ; bien que l'avion n'ait fait que patrouiller, l'un des Français a la mauvaise idée de l'abattre à la mitrailleuse. Avant de s'écraser, l'avion tire une rafale sur le véhicule et déclenche un début d'incendie. Les quatre hommes, indemnes, ne peuvent sauver qu'un peu d'eau et se retrouvent perdus au milieu du désert, sans vivres ni radio. Après avoir erré à pied dans l'immensité des dunes, ils repèrent les traces d'un véhicule, suivent la piste et surprennent une patrouille allemande occupée à déjeuner et bavarder à proximité de leur véhicule. Ils tuent les quatre Allemands assis dans leurs viseurs et s'emparent des vivres et du véhicule. Derrière celui-ci, ils découvrent un officier ennemi tentant de donner discrètement l'alerte par radio. Ils décident de le faire prisonnier et l'emmènent avec eux.

Le reste du film raconte leur cheminement à travers le désert vers El Alamein et l'évolution des sentiments et rapports humains : la tension omniprésente au début, la mise en place progressive d'échanges plus ou moins cordiaux, et pour finir la solidarité qui se crée entre les cinq hommes alors qu'égarés dans un champ de mines, ils ne peuvent compter que les uns sur les autres pour s'en tirer. La question se pose alors de laisser ou non partir l'officier allemand au lieu de le remettre aux forces françaises.

Ce film porte un message fort en montrant combien la guerre poussée à l'extrême peut aboutir à des situations humainement absurdes. La chute du film, que je ne dévoilerai pas, constitue le point culminant de cette critique du militarisme. C'est donc en vous recommandant chaudement le visionnage d'Un taxi pour Tobrouk que je referme cet article.

Mes Sources

lundi 19 octobre 2015

Instruments insolites et d'ailleurs - Le Santour

L'article d'aujourd'hui a pour objectif de vous présenter un instrument de musique millénaire que j'affectionne beaucoup : le santour iranien. Cet instrument à cordes frappées appartient à la famille des cithares sur table, mais se distingue de ces dernières par l'usage de baguettes (mezrab) munies d'un étouffoir, ce qui le rend proche du cymbalum et du piano. L'origine du santour est inconnue - certains prétendent qu'il remonterait aux Assyriens - mais depuis un peu plus de neuf cents ans, sa forme et son utilisation ont varié et il s'est répandu graduellement dans tout le Moyen-Orient et même jusqu'en Europe de l'Est ou en Inde par l'intermédiaire des Tziganes et des Juifs qui ont tiré parti de son poids léger pour l'emmener dans leurs pérégrinations. [1]

La famille des santours comprend cinq principaux instruments : le santour iranien, le plus ancien, le plus petit de tous, qui possède la sonorité la plus brillante ; le santour indien, plus volumineux mais rare car il se prête assez peu à la musique savante du pays ; le santour irakien, intermédiaire entre ses frères iranien et indien, employé uniquement de nos jours chez les Juifs irakiens ; le santour turc, aujourd'hui quasiment disparu en raison de l'impossibilité de s'adapter aux micro-modulations de la musique ottomane ; et le santouri grec, qui se rapproche du cymbalum par l'usage de petits maillets en lieu et place des mezrab. [1]

Le santour iranien est constitué d'une caisse de résonance en bois dur (bouleau, chêne, noyer...) percée de deux ouïes (traditionnellement en forme de fleurs ou de rosaces) et dotée de 72 cordes réparties par groupes de quatre. On en joue assis ou à genoux, par terre ou sur un coussin. Deux écoles existent pour la tenue des mezrab : les écoles anciennes frappent à l'aide du poignet seulement et tiennent les mezrab loin de l'instrument ; les écoles modernes utilisent le mouvement des doigts, des poignets et des même des bras, et jouent près de l'instrument. Deux types de frappe sont emblématiques du santour : le zang, frappe sèche et rapide qui s'obtient en fouettant les cordes à l'aide d'un mezrab, et le riz, sorte de roulement dont le geste rappelle le roulement des baguettes sur une caisse claire. [1]

L'Iran possède d'éminents santouristes, comme les frères Kamkar, Pashang et Ardavan, internationalement reconnus, et qui forment avec leurs cinq frères et sœur une impressionnante dynastie de virtuoses de la musique. Faramarz Payvar et Djalal Akhbari comptent également parmi les maîtres de cet instrument. [1] Ardavan Kamkar est de loin mon musicien préféré, pour sa dextérité et sa maîtrise absolue des baguettes mais également pour la construction rigoureuse de ses pièces, dont la structure me rappelle un autre de mes compositeurs favoris : Jean-Sébastien Bach.
Mais trêve de bavardages et place à la musique. Voici quelques vidéos que j'ai sélectionnées pour vous donner un aperçu de la diversité des pièces ou improvisations, solo ou non, classiques ou modernes, que l'on peut aujourd'hui entendre au santour. J'espère que vous serez réceptifs à cette sonorité mélancolique qui n'a jamais cessé de m'émouvoir.


Darya, la mer, composée et interprétée par Ardavan Kamkar

Un chaharmezrab consiste en une sorte de variation autour d'une note unique, une succession rapide de mouvements main droite - main gauche qui demande une certaine virtuosité.

Chaharmezrab composé par Faramarz Payvar et interprété par Tomos Brangwyn à l'ambassade d'Iran à Londres en 2011

Pour finir, voici deux preuves que le santour n'est pas qu'un instrument "classique" et qu'il peut être utilisé dans diverses compositions modernes où la palette de sons qu'il fournit est largement mise à contribution.

"Santour Navazan Ensemble" dirigé par Simiak Aghaei - concert donné en 2004 à l'université de lettres de Téhéran (album live Beyond our Path) [2]

Orchestre de la Radio Norvégienne dirigé par Peter Szilvay et composition de Javid Afsari Rad - concert donné en 2006

Et pour les curieux, voici une vidéo plus "généraliste". Il s'agit de l'un des Festivals de Santour de Téhéran à l'occasion duquel des artistes de diverses nationalités ont été invités pour faire découvrir les applications de cet instrument - ou de ses cousins - dans des musiques plus proches de nous, comme la musique hongroise.

Festival de Santour de Téhéran - année inconnue

Mes Sources

jeudi 15 octobre 2015

Processus de création littéraire/cinématographique

Il m'est parfois difficile de trouver des sujets d'inspiration pour le blog ; les actualités sont intéressantes mais ne donnent pas lieu à commentaires, une idée nouvelle n'est pas suffisamment mûre pour être développée, il manque des angles d'attaque à un point de vue... les raisons pour ne pas écrire sont multiples. Et pourtant, un sujet aurait dû me sauter aux yeux : écrire au sujet de l'écriture, quoi de plus évident ?

J'ai repris en début de semaine un vieux lien vers un article intitulé "De l'intérêt de rédiger un squelette de son scénario", que j'avais mis de côté en attendant de tester la méthode décrite sur l'une de mes histoires. L'idée est de réaliser une sorte de fiche comprenant les informations nécessaires à l'élaboration d'un bon scénario, en précisant par exemple :
  • le pitch (résumé succinct de l'intrigue de l'histoire) et le pitch thématique (le message véhiculé par l'histoire),
  • qui est le protagoniste et quels sont ses objectifs ?
  • l'élément déclencheur qui va lancer le protagoniste dans sa quête,
  • les obstacles internes (défauts ou failles du protagoniste) ou externes (autres personnages, événements) qui vont entraver le protagoniste dans sa quête,
  • le ou les climax, noeuds dramatiques de l'intrigue, déterminant le succès ou l'échec de la quête.
J'ai appliqué cette méthode au roman sur lequel je travaille en ce moment, Yadamtissar, dont l'intrigue me semblait plutôt bien élaborée. Le plus difficile est de dresser une liste exhaustive de ce que l'on appelle les ironies dramatiques, c'est-à-dire les éléments qu'un ou plusieurs personnages ignorent mais dont le lecteur est au courant ; car dans une intrigue politique et sentimentale où l'héroïne doit démêler les liens qui se resserrent autour de l'héritage de son père, les ironies dramatiques sont nombreuses. Ce dont je me réjouis, c'est d'avoir pu répondre aisément à chaque point de la méthode, preuve que le concept d'origine tient la route. C'était la bonne nouvelle de la journée !

Pour les curieux, voici l'adresse du site : http://www.scenario-buzz.com/2012/02/27/rediger-squelette-scenario/

mercredi 14 octobre 2015

"L'homme est un collier qu'une femme enlève et qu'une autre porte"

C'est avec ce proverbe de femmes mauritaniennes que j'ouvre cet article sur un intéressant documentaire que j'ai vu récemment au sujet des femmes beydanes: Meniha, Alia, Aïcha, reines du désert. Ce documentaire, produit en 2012 par Patrick Profit chez Atmosphère Production, et rediffusé il y a une dizaine de jours sur Arte, nous emmène à la découverte d'un matriarcat berbère en pays Maure, balayant certains des préjugés que l'on peut entretenir sur les régions de traditions musulmanes.

Au travers des témoignages de trois femmes d'âges différents (une grand-mère, une femme d'âge moyen et une jeune fille), nous évoluons dans un univers où l'homme est tenu à la monogamie et où la femme conserve son nom de jeune fille ainsi que l'usage total de sa dot, y compris en cas de divorce. Divorce qui est considéré avant tout comme un moyen de promotion sociale de la femme et non, comme dans de nombreuses cultures islamiques, comme une honte qui s'attachera à ses pas et dans certains cas entravera jusqu'à son accès à l'emploi. La femme beydane est respectée et choyée par son époux mais cela ne s'arrête pas là : elle peut divorcer de lui si elle juge qu'il n'est pas suffisamment généreux avec elle. Il n'a pas son mot à dire et n'a pas intérêt à s'accrocher longtemps à cette union car ce geste serait interprété par les autres hommes comme un aveu de faiblesse. Par ailleurs, plus une femme a eu de maris, plus elle apparaît comme respectable, car convoitée, et par conséquent plus elle aura de pouvoir au sein de sa communauté. Il est évident néanmoins que l'islam commande à la femme beydane de traiter son mari avec respect et équité.
La tente fait partie de la dot de la femme beydane et elle demeure sa propriété intégrale ; elle est libre d'y recevoir qui elle souhaite, homme comme femme ; son époux est toléré comme un invité qui la rejoint la nuit et y demeure suivant son bon plaisir ; aussi si elle s'absente de chez elle pendant plusieurs jours, elle peut tout simplement décider de faire démonter sa tente ou de la laisser inoccupée, auquel cas son époux devra aller vivre chez l'un de ses proches en attendant son retour. Culturellement, la tente est un espace strictement féminin et la présence d'un homme en son sein est incongrue dès lors qu'il s'y trouve seul.

A cent lieues du monde des femmes beydanes se trouve une autre Mauritanie, celle où se pratiquent encore l'excision et la polygamie et où survivent sporadiquement des traditions plus surprenantes : ainsi des petites filles ont-elles été gavées dès leur plus jeune âge en vue de leur mariage ; en effet, l'obésité, traditionnellement célébrée par les poètes et les chanteurs, a longtemps été considérée comme symbole de la réussite sociale de sa famille d'origine. Plus la jeune fille était grosse, et plus sa "valeur" chez les entremetteuses était importante. Dans les familles modestes, le gavage des petites filles commençait tôt afin de pouvoir rapidement les marier et ne plus avoir à subvenir à leurs besoins. On les retrouvait quelques années plus tard inactives et inemployées, destinées à servir de faire-valoir immobile à leurs époux. Même si aujourd'hui cette pratique a tendance à perdre du terrain, elle aurait concerné un tiers des femmes de quarante ans et plus en Mauritanie.

Je vous conseille également de lire un très bon article sur le matriarcat sahraoui au Maroc: [3], ainsi que d'explorer le site http://matricien.org, portail de connaissances sur le matriarcat et le patriarcat, leur Histoire, leur géographie, la sociologie associée, leur rapport à la religion, la littérature à ce sujet, et même le rapport... à la science-fiction !

Mes Sources

mardi 13 octobre 2015

Ma tête pardonne, mon cœur refuse.

Vous est-il déjà arrivé de vouloir pardonner à quelqu'un mais qu'une partie de votre être s'y refuse ? Lorsque la tête trouve des circonstances atténuantes mais que le cœur reste intransigeant, drapé dans sa douleur et les réminiscences difficiles, lorsque malgré toutes les tentatives de se raisonner un chagrin insupportable se blottit dans le creux de la poitrine et ne veut plus en bouger ? Lorsque la tête pardonne mais pas le cœur ?

Je suis tombée par hasard sur un conte africain qui m'a touchée et que je voulais partager avec vous.


L’arbre aux trésors

Un jour de grande chaleur, un lièvre fit halte dans l’ombre d’un baobab, s’assit sur son train et contemplant au loin la brousse bruissante sous le vent brûlant, il se sentit infiniment bien.  » Baobab, pensa-t-il, comme ton ombre est fraîche et légère dans le brasier de midi !  » Il leva le museau vers les branches puissantes. Les feuilles se mirent à frissonner d’aise, heureuses des pensées amicales qui montaient vers elles. Le lièvre rit, les voyant contentes. Il resta un moment béat, puis clignant de l’oeil et claquant de la langue, pris de malice joyeuse :  » Certes ton ombre est bonne, dit-il. Assurément meilleure que ton fruit. Je ne veux pas médire, mais celui qui me pend au-dessus de la tête m’a tout l’air d’une outre d’eau tiède. Le baobab, dépité d’entendre ainsi douter de ses saveurs, après le compliment qui lui avait ouvert l’âme, se piqua au jeu. Il laissa tomber son fruit dans une touffe d’herbe. Le lièvre le flaira, le goûta, le trouva délicieux. Alors il le dévora, s’en pourlécha le museau, hocha la tête. Le grand arbre, impatient d’entendre son verdict, se retint de respirer.  » Ton fruit est bon, admit le lièvre.  » Puis il sourit, repris par son allégresse taquine, et dit encore :  » Assurément, il est meilleur que ton coeur. Pardonne ma franchise : ce coeur qui bat en toi me paraît plus dur qu’une pierre « . Le baobab, entendant ces paroles, se sentit envahi par une émotion qu’il n’avait jamais connue. Offrir à ce petit être ses beautés les plus secrètes, Dieu du ciel, il le désirait, mais, tout à coup, quelle peur il avait de les dévoiler au grand jour ! Lentement, il entrouvrit son écorce. Alors apparurent des perles en colliers, des pagnes brodés, des sandales fines, des bijoux d’or. Toutes ces merveilles qui emplissaient le coeur du baobab se déversèrent à profusion devant le lièvre dont le museau frémit et les yeux s’éblouirent.  » Merci, merci, tu es le meilleur et le plus bel arbre du monde,  » dit-il, riant comme un enfant comblé et ramassant fiévreusement le magnifique trésor.
Il s’en revint chez lui, l’échine lourde de tous ces biens. Sa femme l’accueillit avec une joie bondissante. Elle déchargea à la hâte de son beau fardeau, revêtit pagnes et sandales, orna son cou de bijoux et sortit dans la brousse, impatiente de s’y faire admirer de ses compagnes.
Elle rencontra une hyène. Cette charognarde, éblouie par les enviables richesses qui lui venaient devant, s’en fut aussitôt à la tanière du lièvre et lui demanda où il avait trouvé ces ornements superbes dont son épouse était vêtue. L’autre lui conta ce qu’il avait dit et fait, à l’ombre du baobab. La hyène y courut, les yeux allumés, avides des mêmes biens. Elle y joua le même jeu. Le baobab que la joie du lièvre avait grandement réjouie, à nouveau se plut à donner sa fraîcheur, puis la musique de son feuillage, puis la saveur de son fruit, enfin la beauté de son coeur.
Mais, quand l’écorce se fendit, la hyène se jeta sur les merveilles comme sur une proie, et fouillant des griffes et des crocs les profondeurs du grand arbre pour en arracher plus encore, elle se mit à gronder :  » Et, dans tes entrailles, qu’y a-t-il ? Je veux aussi dévorer tes entrailles ! Je veux tout de toi, jusqu’à tes racines ! Je veux tout, entends-tu ?  » Le baobab, blessé, déchiré, pris d’effroi, aussitôt se referma sur ses trésors et la hyène insatisfaite et rageuse s’en retourna bredouille vers la forêt. Depuis ce jour, elle cherche désespérément d’illusoires jouissances dans les bêtes mortes qu’elle rencontre, sans jamais entendre la brise simple qui apaise l’esprit. Quant au baobab, il n’ouvre plus son coeur à personne. Il a peur. Il faut le comprendre : le mal qui lui fut fait est invisible, mais inguérissable.
En vérité, le coeur des hommes est semblable à celui de cet arbre prodigieux : empli de richesses et de bienfaits. Pourquoi s’ouvre-t-il si petitement quand il s’ouvre ? De quelle hyène se souvient-il ?


Source:
Conte africain, Henri Gougaud, L’arbre aux trésors, Ed. du Seuil


mardi 6 octobre 2015

Hôtel Rwanda

Aujourd'hui, mon coup de cœur va à un film de 2004 qui a été retransmis sur Arte mercredi dernier : Hôtel Rwanda, un drame réalisé par Terry Georges.

Hôtel Rwanda raconte quelques mois de la vie du directeur de l'hôtel luxueux des Mille Collines, Paul Rusesabagina, un Hutu marié à une Tutsi qui lui a donné quatre enfants. Alors qu'en avril 1994, à la suite de l'assassinat du président Hutu Habyarimana, éclatent les massacres marquant le début du génocide des Tutsis en avril 1994, Paul se bat pour protéger et faire évacuer une grande partie des 1268 Tutsis et Hutus modérés qui ont trouvé refuge dans son hôtel. Faisant appel à ses relations, tant au sein du pouvoir Hutu en place que parmi les expatriés et notables de divers pays, Paul parvient à tenir à distance les milices Hutus qui ont pris les armes, le temps d'obtenir de l'aide, d'abord des casques bleus, puis du pouvoir en place, et enfin des gouvernements étrangers qui délivreront des visas pour accueillir une partie des réfugiés. Lui-même sera évacué en 1996 vers la Belgique où il vit encore avec toute sa famille. [1]

Ce film décrit le climat de haine et les tensions exacerbées qui régnaient à Kigali à la veille du génocide ainsi que l'horreur des massacres qui feront plus de 800 000 morts entre avril et juillet 1994, sans pour autant s'appesantir sur les aspects macabres du génocide. Il raconte également l'absurdité des origines des divisions entre ces deux ethnies et montre les conséquences dramatiques de la promotion de l'une par rapport à l'autre sur le plan politique et économique. Il condamne la propagande aveugle et salue le courage de tous ceux qui, soldats, membres d'ONG, religieux ou simples citoyens, ont risqué leur vie pour soustraire le maximum de personnes aux massacres. Enfin, il relate l'impuissance des casques bleus face au désengagement progressif des armées européennes auprès de l'armée rebelle tutsi. 

Pour moi qui étais enfant à cette époque-là, le Rwanda n'était qu'un pays d'Afrique où l'on se battait, tout comme on se battait à Sarajevo ; aussi les aspects historiques et sociaux du génocide m'ont-ils particulièrement intéressée. Bien entendu, ce film s'appuie sur les témoignages des rescapés des Mille Collines ainsi que sur l'autobiographie de Paul Rusesabagina, Un homme ordinaire ; ce dernier a également participé à la réalisation du film, ce qui a par la suite soulevé une controverse, en particulier parmi les soutiens du président Kagamé.  On a reproché à Paul d'avoir enjolivé la réalité et dissimulé sous des actions héroïques des desseins bien plus vénaux. [2] [3] On lui a également reproché ses connexions avec les leaders Hutus ainsi qu'avec les Occidentaux résidant ou en visite au pays. Je ne tournerais pas les choses de cette manière-là : s'il a pu protéger plus d'un millier de personnes, dont sa propre famille, c'est justement grâce à ses connexions, ce dont a posteriori, personne ne pourrait le blâmer. Du reste, quiconque ayant vécu dans certains pays d'Afrique sait que si l'on veut que son business continue à tourner, il faut savoir rendre "service" et distribuer des faveurs.

Je n'ai aucun élément concret pour me faire une idée sur la question de l'authenticité du récit, et je me doute qu'il y a des éléments inexacts ou passés sous silence. [4] De plus, chaque création artistique est indissociable de la sensibilité de l'artiste et du message qu'il veut faire passer. Mais pour tout vous dire, je m'en contrefiche : ce film en lui-même est un plaidoyer suffisant pour la paix et le respect de ses semblables, et c'est tout ce que je lui demande.

Mes sources

vendredi 18 septembre 2015

Palestine : la Croix et le Croissant

Aujourd'hui, je ne résiste pas à l'envie de partager une curiosité découverte dans la newsletter "Books, l'actualité à la lumière des livres", parue le 15 septembre 2015, qui nous informe que le drapeau palestinien, adopté en 1929 à la suite d'une consultation, aurait pu représenter une croix et un croissant. [1] Ci-dessous, voici le bref article de Books :

"En 1929, le quotidien de langue arabe Filastin propose deux modèles de drapeaux pour la Palestine. Ses lecteurs lui soumettent, ainsi qu’aux représentants arabes de la région, une vingtaine d’autres dessins dont une moitié associe des emblèmes musulmans et chrétiens, rappelle le sociologue Tamir Sorek dans la revue Nations and Nationalism. C’est le drapeau issu de la Révolte arabe de 1916 qui a finalement été adopté pour représenter la Palestine et qui flottera bientôt à l’ONU."

Pour les curieux, le site crwflags [2] rassemble les différentes propositions de drapeaux faites en 1929 par le quotidien arabe mais également en provenance d'autres sources. Notons également en bas de page deux propositions datant de 2007 pour un drapeau binational Israël-Palestine. Le commentaire indique que si l'on se place dans une perspective neutre du point de vue israélo-palestinien, les deux drapeaux rayés peuvent s'avérer satisfaisants : tous deux reprennent les rayures caractéristiques des deux nations, tout en ayant supprimé pour l'un le triangle rouge, pour l'autre l'étoile de David.

Mes Sources
[1]     Bookletter "Books", du 15/09/15.
[2]     http://www.crwflags.com/fotw/flags/ps!.html

jeudi 17 septembre 2015

Paradoxes des sites de rencontre // Strange facts about match making sites

Si vous faites un sondage pour savoir qui de vos proches a déjà utilisé un site de rencontres, vous serez sans doute surpris de constater à quel point cette pratique s'est répandue depuis les années 90. Il existe aujourd'hui des milliers de sites de rencontres dans le monde, et on estimait l'an dernier à près de 20 millions les internautes inscrits sur le site Badoo.com, le plus grand site de rencontres à l'échelle mondiale. [1] Une étude de ces dernières années montrait d'ailleurs qu'un couple sur cinq se formait à la suite d'une rencontre via un site spécialisé. Et cela n'a rien d'étonnant. Demandez aux couples autour de vous comment ils se sont rencontrés et vous en trouverez forcément qui vont parleront d'Internet ; que ce soit par l'intermédiaire d'une plateforme de jeu, d'un site de rencontres amicales ou d'un site de rencontres amoureuses ou sexuelles. L'article Wikipédia consacré aux sites de rencontres [1] présente la variété des sites que l'on peut trouver : par affinités, par préférences sexuelles, par religion, par origine ethnique, par conviction politique etc.
If you ask around you who has already used the services of a match making site, you'll be impressed with the answer, as this habit has become very common since the 90's. Today there are thousands of match making sites around the world; in 2014 the number of subscribers to the services of Badoo.com was estimated around 20 billions! [1] A study on these past years evidenced that one couple out of five was a result of a meeting arranged through a specialized website. I'm not surprised: just ask to your friends and relatives how they met their partner and you'll certainly have some of them referring to Internet, whether it is through on-line gaming or through sites for making friends, finding love or promoting one-night stands. The Wikipedia article dedicated to match making sites (in its French version) [1] shows a large variety of match making sites, with a pairing by affinities, by sexual orientation, by religion, by ethnic origin, by political views etc.

Pour avoir un peu d'expérience en la matière, j'ai observé des comportements et réactions assez étonnants chez les hommes et les femmes. Dans la plupart des sites, ce sont les hommes qui contactent les femmes ; celles-ci se mettent en retrait et font le "tri" parmi les profils pour mettre de côté ceux qui les intéressent. Elles décident également de répondre ou non aux sollicitations par mail ou par chat. Normalement, tout devrait s'arrêter là. Sauf que beaucoup se plaignent d'être harcelées voire incendiées par des hommes qui se plaignent de leur manque de réponse. Il faut dire que sur ce genre de site, l'utilisateur est informé en temps réel de qui consulte son profil, qui le place dans ses favoris, qui "flashe" sur lui, et il peut demander des confirmations de lecture quand il envoie un mail. Et ce flicage constant rend la navigation sur ces sites insupportable.
I confess I have some experience in this matter, and I have witnessed some surprising behaviors or reactions from both male and female users. On most of the websites, the men will first contact the women who stay in the background and browse in the profile datebase to pick-up the one they find the most relevant. They also decide to reply or not to the solicitations, by email or on the chat. Logically that should be it. But many of them are complaining to be bullied or even yelled at by men who don't appreciate their silence. It has to be noticed that on this kind of websites, the user usually gets a real-time notification each time someone looks at his profile, adds him to his favorites, or "flashes" on him; he can as well request a read-notification when he writes to someone. All these options produce quite a policing atmosphere which on a long-term basis is unbearable.

Pour certaines personnes, ouvrir ses mails non lus et aller voir le profil de l'expéditeur indiquent clairement une volonté de poursuivre la discussion. Aussi, si le destinataire ne donne pas signe de vie dans les minutes qui suivent, l'expéditeur se sent rejeté et éprouve alors le besoin d'attirer son attention par des relances, des remarques plus ou moins amicales voire des insultes. Réagirait-il ainsi dans la vie réelle ? Je ne crois pas, mais le relatif anonymat du Net "l'autorise" à se lâcher et à faire ressortir ses instincts. J'ai ainsi eu le cas d'une personne qui voulait entamer une discussion par un simple "salut", puis, comme je ne répondais pas, a répété son salut avant de m'accuser d'être un profil bidon. Dommage pour lui, je n'ai pas répondu à sa provocation. Même chose pour un autre qui m'avait gentiment écrit mais n'a pas apprécié quelques jours de silence et a commencé à me lancer des piques particulièrement grossières. Celui-là a eu moins de chance : la dernière insulte m'a fait sortir de mes gonds et je lui ai écrit un mail ferme pour le remettre à sa place.
For some people, opening un-read email and visiting the associated profile demonstrate a desire to engage in a conversation. So if within a few minutes the recipient doesn't reply, the sender feels rejected and might want to attract attention with reminders or comments that can be gross or turn into insults. Do you think he'd react as well in a face-to-face conversation? I don't think so, however the fact that Internet enables him to remain almost anonymous gives him a free pass to be rude and act without any regards for his interlocutor.  I was contacted once by a man I barely knew and he started the conversation with a simple "hi". I found it a bit cheeky and didn't answer. I said "hi" again then accused me to be a fake profile, hoping I guess I would be mad at him and talk back. Unfortunately for him, I didn't want to raise his provocation nor enter his game. The same happened with another guy who had written nicely to me at first but couldn't stand my being silent for a few days. He started insulting me and this time I reacted with a lecture to put him back in his place. Then, as the insulting emails started to pour, I blacklisted him.

On trouve également des gens qui manquent tellement de confiance en eux qu'ils interprètent le moindre mouvement du destinataire comme porteur d'espoir ou de refus. J'ai par exemple reçu deux mails consécutifs d'un homme qui dans le premier m'invitait à venir voir son profil, et dans le second me disait : "Tu a été voir mais tu ne réponds pas. Bonne continuation." Même si je ne l'ai effectivement pas recontacté, j'ai souri devant sa hâte : à peine quelques minutes s'étaient-elles écoulées entre les deux mails ! J'aurais tout à fait pu mettre de côté son profil pour y revenir à tête reposée, comme je l'ai fait pour d'autres. Que Diable, je ne suis pas dans un supermarché pendant les soldes, avec mission d'attraper tous les articles qui passent à portée de ma main sans réfléchir ! Ce garçon trop pressé passe sans doute à côté d'occasions en renonçant si vite ; cela dit, j'ignore depuis combien de temps il surfe sur le site et combien de refus ou de silences il a pu essuyer, aussi ne suis -je pas en droit de le juger.
There are also people with such a huge lack of confidence that they interpret each and every action of the recipient as a "yes" or a "no". I got for instance two consecutive emails from a man: in the first one, he invited me to visit his profile and in the second one, he told me: "you visited but you're not replying. It's OK. Bye-bye!" Even if I didn't write to him in the end, I couldn't help smiling at his eagerness, because there were less than 5 MINUTES between the two emails! What if I had been in a hurry and just wanted to save his profile in order to visit it again later? Come on, I'm not in a mall during the sales, rushing to grab any article I can lay hands on without giving it a thought! This impatient man would surely miss many opportunities by drawing conclusions so fast; but I don't know his story, I don't know since when he's trying to find someone and how many silences or refuses he may have suffered, so this is not my place to judge.

Un très bon ami qui surfait sur le même site que moi m'a fait part de sa frustration face à la majorité des filles qui ne répondent pas aux mails de sollicitation. Je peux comprendre les deux partis. Il est évidemment désagréable de prendre le temps de rédiger un mail d'introduction pour convaincre son interlocutrice et de faire chou blanc. Du reste, la courtoisie la plus élémentaire voudrait que le ou la destinataire décline poliment l'invitation. Cela dit, les hommes savent-ils combien de mails une fille peut recevoir chaque jour ? Je vais vous le dire : plus d'une trentaine, sans compter les sollicitations par chat qui fleurissent dès qu'on a le malheur de surfer en mode "connecté". Il est possible de tout lire, mais répondre à chaque personne de manière un minimum personnelle relève du défi. Du reste, si certaines personnes reçoivent gentiment un refus, d'autres ont du mal à l'encaisser. Je ne suis pas partisane du silence radio, que je trouve à la limite de la correction, mais j'enrage lorsqu'il me faut trouver des justifications et répondre à "mais qu'est-ce que les autres ont de plus que moi?", "mais qu'est-ce que j'ai qui ne te plait pas ?". Car si dans le cadre d'une rupture après une relation de plusieurs années, on peut souhaiter analyser ce qui n'a pas marché afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs, expliquer de but en blanc à un parfait inconnu que l'on n'a pas envie de lui parler tout simplement parce que l'on n'est pas attiré par lui ou qu'il est le huitième à venir bavarder le même soir n'apporte rien aux interlocuteurs. Et la réalité est tout autre : je n'ai pas beaucoup de temps à consacrer au site, je sélectionne une ou deux personnes qui me semblent intéressantes - sur des critères purement subjectifs comme la photo, les hobbies, les aspirations, le baratin de présentation... - et j'échange quelques mails pour voir si une conversation sympathique s'engage ou pas. C'est cruel pour les autres, pour tous ceux qui restent sur le banc de touche, mais une seule et même personne ne peut s'occuper de tout le monde.
A very good friend of mine used the same match making site than me. He told me he got very frustrated to get absolutely no answer from most of the women, although he used to write very politely to them (I can testify!). Well I understand both sides. Of course it's unpleasant to spend time writing an email to introduce yourself and convince your interlocutor to start a conversation, and at the end to hit a brick wall. For the recipient, it would be the most basic politeness to write a few words of excuse to refuse the proposition. However do you know how many emails a girl may receive in one day on such web sites? From my own experience, it was more than thirty, and I'm not considering all the chat windows which magically appeared if you were reckless enough to connect in "available mode". One can find time to read all the emails but to answer each of them with a minimum of tact and good manners seems highly unlikely. Moreover if some people may welcome a negative answer with wisdom, some others are struggling when it comes to get over it. I'm not in favor of total silence - it's borderline in terms of common courtesy - but the worst is to have to find arguments to justify why I don't want to reply to "hi" right now and answer such questions as: "what should I do to make you interested?" or "why is wrong with me?". I totally understand the desire to analyze a past relationship, especially as a mean not to reproduce the same mistakes, but it only makes sense after breaking up with someone you have loved for years! It's useless to spend hours explaining to a complete stranger that we don't want to talk to him because we don't feel like it or just because there are already seven persons trying to talk to you and you can't be everywhere. And the truth is that I don't have much time for surfing, so I just pick one or two profiles which look interesting - for totally subjective reasons like the pictures, the hobbies, the aspirations etc. - and then I exchange a few short emails to see if a nice conversation arises. It may seem cruel for the others, for all those who are left behind, but I'm just one person, and one person cannot take care of everyone.

Du reste, il y a tous ceux qui vont "à la pêche" et copient-collent des mails impersonnels à chaque nouvelle fille qui s'inscrit dans l'espoir que l'une d'elles répondra. Il y a également ceux qui ne lisent pas les profils, en particulier la partie où l'on indique ce que l'on recherche chez un partenaire ; il y a toujours des casse-cous qui n'hésitent pas à se lancer alors qu'ils n'ont aucun point commun avec la personne concernée, voire qu'ils sont l'opposé de ce qu'elle recherche. A travers cette pollution visuelle, on comprend que certaines femmes baissent les bras et ne prennent plus le temps de se renseigner sur les expéditeurs. Des amies m'ont confié avoir fait des pauses de plusieurs jours ou plusieurs semaines, lassées d'être harcelées dès qu'elles se connectaient. Parallèlement, les garçons sérieux qui aimerait entamer des discussions profondes avec des filles paient pour tous les autres et se font recaler. A cause de ceux qui croient qu'ils peuvent tout se permettre. A cause de ceux qui trouvent que débarquer sur le chat avec un "slt" fera l'affaire. A cause de ceux qui pensent avoir les gens à l'usure. Si chacun était un peu plus honnête avec lui-même et plus clairvoyant, nous perdrions tous moins de temps !
Here is worse: some men just throw a net and "fish", by sending the same impersonal mail to every new female subscriber and hoping one of them will reply. Others don't read your profile - at least not the page where you explain what you're looking for as a partner - and claim they are your perfect match, although sometimes you and them have absolutely NOTHING in common. No wonder if some women just throw in the sponge and don't make time anymore to inquire about their interlocutors. Some female friends told me they felt so harassed as soon as they connected to the site that they had to take many breaks of several days to several weeks. On the other hand, earnest men who would like to engage in deep and sensible conversations with girls unfortunately pay for all the polluters and are turned down. Just because some think they'll get away with everything. Just because some think showing up on the chat with a "hi" is a good-enough introduction. Just because some think they'll get what they want just by grinding people down. So let's start to be a bit more honest with ourselves and a bit more perspicacious, and time will be used in a smarter way.

Source

mardi 15 septembre 2015

La Compagnie des Glaces

Parmi les romans ou séries littéraires qui ont marqué ma jeunesse, il y a un excellent roman-feuilleton que je recommande à tous les amateurs de science-fiction : La Compagnie des Glaces, de Georges-Jean Arnaud. Attention à ne pas le confondre avec l'écrivain Georges Arnaud, de son vrai nom Henri Girard (1917-1987), auteur notamment de l'excellent Salaire de la Peur (1950), dont la vie a été particulièrement mouvementée. [1]

Georges-Jean Arnaud est né en 1928 et compte à son actif plus de 350 ouvrages, ce qui le place parmi les auteurs français les plus prolifiques. En plus de son véritable nom, il a  publié sous divers pseudonymes, parmi lesquels Saint-Gilles et Gil Darcy. Son style oscille entre roman policier, science-fiction, espionnage, polar et roman de gare. [2] La Compagnie des Glaces se compose de trois parties :

  • La Compagnie des Glaces : 62 tomes, parus entre 1980 et 1992,
  • Les Chroniques Glaciaires : 11 tomes, parus à la fin des années 1990.
  • La Compagnie des Glaces, Nouvelle Epoque : 24 tomes, parus entre 2001 et 2005.

La saga a été récompensée en 1982 par le Grand Prix de la SF française (prix spécial), et en 1988 par le Prix Apollo. 

Elle met en scène un monde post-apocalyptique où la Terre traverse une nouvelle glaciation d'origine humaine : au cours du XXIe siècle, la Lune a en effet été massivement utilisée comme stockage de déchets nucléaires, jusqu'au jour où elle a fini par exploser. Les poussières et morceaux de Lune se sont alors accumulés en orbite autour du globe terrestre, bloquant les rayons du soleil et confinant la Terre dans une sorte de pénombre perpétuelle. Le froid y est devenu intense (de -80°C à -20°C suivant les zones) et la glace a tout envahi. La plupart des hommes n'ont pas eu le temps de s'organiser et sont morts de faim et de froid mais certains foyers de peuplement ont tenu bon et petit à petit l'Humanité a repris le dessus. [3]

Quelques siècles plus tard, les Hommes vivent entassés dans des conditions plus ou moins précaires dans des wagons, au sein de villes construites sous dôme pour les protéger du froid, et sur rails pour qu'elles puissent se déplacer. Le ciel est bas, la grisaille domine et à l'instar du ciel, les individus baignent dans une sorte de grisaille ; la vie est dure et personne ne se fait de cadeau. On ne se déplace plus qu'en train, en allant de ville en ville à la vitesse d'un tortillard, dans des compartiments bondés où tout le monde se méfie de tout le monde. Tout autre forme de déplacement est prohibée et quelques grandes compagnies ferroviaires se disputent le pouvoir, contrôlant les moyens de communication, la justice et l'approvisionnement en chaleur et nourriture, ce qui leur confère le droit de vie et de mort sur l'ensemble des individus. On assiste à une renaissance des dictatures s'appuyant sur le sentiment d'insécurité, les rumeurs et la peur de l'étranger pour intimer le silence à leurs subordonnés. [3]

Les éléments incontournables de ces Compagnies Ferroviaires sont les Aiguilleurs, une caste d'agents travaillant avec le pouvoir en place mais dont l'origine tenue secrète et les liens inter-compagnies sont suspects. Leur rôle est de faire respecter l'ordre mais également de veiller à effacer le maximum de traces du passé et d'empêcher toute vie hors des rails. Selon la devise des Compagnies : "La mobilité c'est la vie, l'immobilisme la mort". Des villes entières sont en perpétuel déplacement, punition ou simple ordre de la Compagnie, et dans les faits, personne n'ose s'aventurer sur les réseaux traversant les banquises réputées "fragiles". La psychose de la glace paralyse tous ceux qui ont à se déplacer de station en station et les tragédies qui se racontent de bouche à oreille ne font qu'amplifier le phénomène. Du reste, au fur et à mesure des rééditions, les Instructions Ferroviaires (l'équivalent de nos Atlas) sont dépouillées des informations qui pourraient permettre de sortir des sentiers battus : certaines villes sont ainsi rayées de la carte, figurativement ou littéralement, et les réseaux secondaires, moins surveillés, sont de moins en moins indiqués. Ainsi les Compagnies savent-elles en permanence qui se trouve où. [3]

Une race seule connaît la vie (et la liberté) en dehors des rails et des dômes : les hommes roux, hommes génétiquement modifiés plusieurs siècles auparavant pour supporter une température moyenne de -40°C. Hélas, dans le processus de modification génétique, une anomalie a entraîné une régression intellectuelle qui les place à mi-chemin entre les Hommes et les animaux. Porteurs d'une toison épaisse, ils vivent nus et sont en général nomades, mais on les retrouve de plus en plus souvent sur les dômes des stations, employés à gratter la glace pour faire entrer un peu de lumière en échange de restes de nourriture. Communément considérés comme des animaux (impudiques), ils évolueront au cours de l'histoire pour constituer une menace pour l'ordre établi, sous l'impulsion première des métis de Roux, qui seront ensuite évincés par les Natifs. Ils exigeront notamment la reconnaissance de leur peuple et formeront un territoire autonome, au grand dam des Compagnies qui perdront du même coup la majeure partie de leur main-d'oeuvre bon marché. [3]

Si les Aiguilleurs gardent un œil sur les Hommes et les Roux, leurs ennemis ne manquent pas, à commencer par les Rénovateurs du Soleil, une secte de scientifiques qui souhaite ouvrir une lucarne dans les nuages croûteux pour faire entrer les rayons du soleil et restaurer un climat vivable pour les Humains. Retranchés dans des zones reculées et quasi hors d'atteinte, ils travaillent à développer un laser géant pour attaquer les nuages et agréger les particules en suspension. Ils s'emploient également à développer des moyens de transport aériens permettant de s'affranchir du rail. Les Néo-Catholiques, fidèles au Pape de la Nouvelle Rome, forment également un contre-pouvoir intéressant. Sans oublier les Hommes-Jonas, une petite tribu d'hommes et de femmes vivant "à bord" de baleines qui leur apportent chaleur et nutrition. [3]

Dans ce climat d'angoisse et d'amertume, nous suivons Lien Rag, un glaciologue jusque là sans histoire, qui va se retrouver malgré lui témoin d'événements qui vont l'amener à remettre en question les dogmes des grandes Compagnies et à découvrir ce qui se cache derrière la propagande des livres d'Histoire. Tour à tour traqué par les autorités, sauvé par des rebelles, fraternisant avec les Roux ou protégé en haut lieu, Lien Rag va mener l'enquête pour retrouver ses origines et, ce faisant, va entraîner un véritable bouleversement de l'ordre établi. Si Lien Rag est clairement le héros de la saga, on trouve d'autres personnages d'égale importance : Yeuse Semper, ancienne danseuse de cabaret et grand amour de Lien Rag, qui après un parcours tout aussi mouvementé que celui-ci, dirigera temporairement l'une des Compagnies Ferroviaires les plus puissantes ; le Kid, ancien aboyeur du même cabaret qui explorera une partie de la plus dangereuse banquise au monde, y fera une découverte incroyable et créera sa propre Compagnie ; Jdrien, métis de Roux et fils de Lien Rag, qui par son charisme deviendra chef de file de l'une des plus importantes ethnies d'hommes Roux (leur "Messie") et se battra un temps pour leur liberté ; Frère Pierre, missionnaire néo-catholique auprès des Roux qui, particulièrement opportuniste, s'impliquera dans la lutte contre les Rénovateurs du Soleil avant de viser la Papauté ; Palaga, grand-maître des Aiguilleurs que l'on prétend immortel et qui dirige en coulisses l'ensemble des Aiguilleurs du monde... [3]

Je pourrais continuer longtemps comme cela, et je n'aurais fait que gratter la surface de cette saga prodigieuse. Une foultitude de personnages, un monde cohérent jusque dans les moindres détails, des aventures variées... de quoi ravir les amateurs de péripéties de tous âges ! Si vous avez l'envie - et le temps - de vous lancer dans la lecture de cette saga, vous ne serez pas déçus ! Seul inconvénient : malgré quelques rééditions depuis 30 ans, certains tomes sont difficiles à trouver aujourd'hui. Ne manquez pas l'excellent site non officiel de la Compagnie des Glaces : [3], véritable encyclopédie du monde des glaces.

Mes Sources

1661

Parmi mes découvertes récentes se trouve "1661", un roman historique se déroulant très logiquement en 1661, des mois précédant la mort de Mazarin à la disgrâce de Fouquet et à la naissance de Louis de France (premier fils légitime de Louis XIV). Ce roman a été co-écrit par Yves Jégo et Denis Lépée et publié en 2006. On y trouve une base historique que je crois authentique et une intrigue fouillée.

Le roman met en scène les personnages les plus influents à la Cour à cette époque : le cardinal Mazarin, la reine mère Anne d'Autriche, le roi Louis XIV, l'intendant des finances Colbert, le surintendant des finances Fouquet, mais aussi la future maîtresse du roi Louise de la Vallière. Autour de ces personnages se trament des complots, les alliances se font et se défont, les ennemis rôdent en quête des éléments de la disgrâce et le poison se présente tantôt sa forme chimique, tantôt sous une forme bien plus insidieuse : la calomnie. J'ai bien aimé ce roman et je vous le recommande vivement.

De nombreux internautes regrettent cependant que l'intrigue manque un peu de force, que l'on reste sur sa faim, et je ne peux pas les contredire. Jusqu'au bout, les découvertes s'accumulent, mais le roman s'arrête avec l'exil de l'un des personnages principaux qui se retrouve chargé d'une étrange mission. On voudrait connaître la suite.

J'ai apprécié tout particulier le personnage de Louise de La Vallière, à l'époque jeune fille de la Cour admirée du Roi pour sa fraîcheur et sa grâce. Melle de La Vallière fut la première maîtresse du Roi et elle resta en faveur jusqu'à l'avènement de la Marquise de Montespan qui gagna en influence jusqu'à finir par l'évincer en 1667. Peu de temps avant sa disgrâce, Melle de La Vallière, qui n'avait cessé d'aimer le Roi, composa le "Sonnet au Roi" et le lui dédia. Elle entra ensuite dans les ordres où elle mourut en 1710, au terme de 36 ans de vie religieuse. [1]

Sonnet au Roi

Tout se détruit, tout passe, et le cœur le plus tendre
Ne peut d'un même objet se contenter toujours ;
Le passé n'a point eu d'éternelles amours,
Et les siècles suivants n'en doivent point attendre.

La constance a des lois qu'on ne veut point entendre ;
Des désirs d'un grand Roi rien n'arrête le cours :
Ce qui plaît aujourd'hui déplaît en peu de jours ;
Cette inégalité ne saurait se comprendre.

Louis, tous ces défauts font tort à vos vertus ;
Vous m'aimiez autrefois, mais vous ne m'aimez plus.
Mes sentiments, hélas ! diffèrent bien des vôtres.

Amour, à qui je dois et mon mal et mon bien,
Que ne lui donniez-vous un cœur comme le mien,
Ou que n'avez-vous fait le mien comme les autres !



Mes Sources

lundi 31 août 2015

Retour d'Arctique

Bonjour à tous !

Le silence du mois de juillet sur ce blog s'explique simplement : quelques jours sur la route de Saint Jacques de Compostelle, une semaine clouée au lit à cause d'un virus ou parasite attrapé au Congo il y a quelques années, puis une semaine de trek en Arctique. Même si je ne suis d'ordinaire pas une grande fan des randonnées et treks, je dois reconnaître que camper au bord d'un glacier à mille kilomètres du Pôle Nord est une expérience à ne pas manquer. Voici quelques photos, explications et anecdotes, qui vous donneront un aperçu des lieux.

  • Mollisol, moraines et pierriers
Si vous vous rendez en Arctique, ne cherchez pas les sentiers de randonnée : il n'y en a pas. Les glaciers et fjords sont bordés de moraines et de pierriers, ce qui n'est pas toujours facile d'accès, les moraines étant boueuses et les pierriers instables. Néanmoins, du sommet des montagnes (autour de 600-1000 m près du Spitzberg), on apprécie une vue dégagée sur les environs.

La plage de cailloux avec le glacier au fond
Un iceberg provenant du vêlage du glacier
Le glacier vu de la mer (20 à 25 m de haut)
La coloration bleue de la glace
Les plissements du glacier
La toundra vue du sommet d'un pierrier

  • Faune
L'animal emblématique de l'Arctique est l'ours polaire, situé tout en haut de la chaîne alimentaire. Si finalement nous n'en avons pas vu de tout le séjour, l'ours était bien présent dans notre mode de fonctionnement. Les précautions à prendre pour éviter de l'attirer sont simples : stocker les vivres à bonne distance des tentes et prendre ses repas hors de la zone de couchage. Jeter les détritus biodégradables à la mer (la température du sol étant très basse, l'enfouissement ne permet pas aux déchets de se décomposer), et les autres déchets dans une poubelle, à conserver également loin des tentes. Autres animaux typiques de la région, les phoques, le renard polaire, les rennes et les innombrables oiseaux (sternes arctiques, oie bernache, macareux, ...). Sans oublier par endroits les nuées de moustiques qui, bien que les livres traitant de la région nous aient assurés que nous n'en rencontrerions pas, ne nous ont pas ratés !

Un phoque
Des rennes
Des guillemots
Des macareux
Une oie bernache
Un renard polaire (Isatis)

  • Flore
La flore est plus développée que je l'aurais cru à prime abord, mais il ne faut pas se faire d'illusions : les "arbres" comme le saule arctique ne dépassent pas quelques cm de haut en plein été. Certaines fleurs commencent même à fleurir sous la neige, afin d'avoir le temps de faner et se reproduire durant l'étroite fenêtre de dégel. La toundra est très présente (graminées, carex, lichens, mousses et arbrisseaux) dans les zones humides. Nous avons observé le pavot arctique, le saxifrage à feuilles opposées, des saules arctiques de... quelques cm de haut !

Un saxifrage à feuilles opposées
Une sorte de "salade" arctique (j'y ai goûté : goût légèrement acidulé, très bon !)
Le saule arctique
Le pavot arctique

  • Svalbard Global Seed Vault (GSV)
A Longyear se trouve la réserve mondiale de semences du Svalbard, une chambre forte souterraine qui reçoit depuis 2008 des semences venues du monde entier, dans l'optique de préserver la biodiversité en cas de perte accidentelle d'une variété. [1] D'autres banques de semences existent dans le monde mais aucune n'est placée dans une zone aussi stable des points de vue climatique, géopolitique, et économique. 
L'histoire de la GSV du Svalbard a commencé en 1984 lorsque le gouvernement norvégien a décidé de stocker les ressources génétiques de plantes de Scandinavie dans une mine de charbon abandonnée au Svalbard. En plusieurs années, ce sont près de 10 000 échantillons de 300 espèces différentes qui ont été stockés. Certains de ces échantillons ont fait l'objet d'un échange avec une banque d'Afrique du Sud, comme double-sauvegarde. Ces deux collections sont aujourd'hui réunies au sein de la GSV.
Cette réserve offre près de 1500 m3 de volume de stockage où les graines, maintenues entre -20°C et -30°C, pourront survivre des centaines d'années. La chambre forte située 130 m au-dessus du niveau de la mer permet de protéger les semences de l'humidité dans le cas de fonte des glaciers et de hausse du niveau des mers à l'échelle mondiale. Le permafrost permet quant à lui d'assurer qu'en cas de panne de l'unité de réfrigération, la température des échantillons ne devrait pas remonter au-dessus de -3°C, température de la roche environnante.

  • Nul ne naît ou ne meurt aux Svalbard
C'est un fait bien connu : une loi interdit aux habitants des Svalbard de naître ou mourir. Les femmes enceintes partent accoucher à Tromso ou dans d'autres villes du Nord de la Norvège. Comme on ne choisit pas l'heure de sa mort, il est techniquement possible de décéder sur place mais le corps est ensuite rapatrié sur le continent et la mort déclarée là-bas. Là encore, le permafrost est responsable de cette décision.
Des esprits chagrins objecteront qu'il existe un cimetière à Longyear. C'est la vérité, il y a bien un petit cimetière situé à flanc de colline à proximité d'une mine, mais il date de 1920 et rassemble les mineurs morts dans une explosion. [2] On peut trouver des croix près des ruines des premières habitations, datant de la création de la ville, mais depuis longtemps on n'enterre plus personne dans le sol des Svalbard.

  • Statut des Svalbard et villes fantômes
L'archipel des Svalbard est un territoire norvégien autonome et démilitarisé, qui n'est soumis à aucune fiscalité. Seules l'île aux Ours (9 habitants) et Spitzberg (un peu plus de 2300 habitants) sont habitées. Le statut de neutralité de l'archipel permet à n'importe quel pays d'exploiter librement les ressources locales, parmi lesquelles le charbon, ce qu'ont fait longuement les Norvégiens mais aussi les Russes. Jusque dans les années 1990 on recensait plus de Russes installés aux Svalbard que de Norvégiens ; aujourd'hui la proportion serait plutôt de 1 Russe pour 2 Norvégiens. Si Longyear (2110 habitants), Ny-Alesund (120 habitants) et Sveagruva (200 habitants) sont norvégiennes, la ville de Barentsburg (460 habitants) abrite encore une communauté russe et ukrainienne. On compte en revanche plusieurs villes russes fantômes : Pyramiden [3, 5] (depuis son abandon en 1998, 8 personnes y résident l'été pour entretenir les installations et recevoir les touristes), Grumantbyen [4, 5] (abandonnée en 1961), Colesbukta [6] ou Advent City. Ces dernières villes sont difficilement accessibles et seuls quelques aventuriers ont pu y parvenir.
A noter également que le Svalbard fut le théâtre d'une lutte méconnue entre le Troisième Reich et les Alliés pour l'implantation de stations météorologiques lors de la Seconde Guerre mondiale

Pour finir, voici Curieuse Tourterelle avec ses compagnons de route dans le zodiac sur le chemin du retour vers Longyearbyen.


Curieuse Tourterelle & ses compagnons

Mes sources :
[5]     http://expedicesvalbard.blogspot.fr/2010/09/268-2010-den-sedmy-relax-daygrumantbyen.html (site en polonais mais googletranslate fournit une traduction très approximative mais qui permet de comprendre de quoi cela parle - ce site raconte toute une expédition dans les Svalbard !)
[6]     http://samsatunis2014.blogspot.fr/2015/03/colesbukta-round-2-boys-trip.html (blog anglophone racontant les anecdotes d'étudiants en géologie/glaciologie venus pour une durée limitée dans la région)